15/10-18/11 2020
Galerie Marie-Robin | Paris | France
En Grèce, au cours du VIIIe siècle avant. J.-C., dans une Méditerranée traversée par des transformations économiques et sociales, les gestes héroïques touchent la vie des mortels, les amours des Dieux deviennent publiques, mythes et réalité fusionnent.
Dans ce creuset, est né l’art géométrique, caractérisé par la répétition de formes élémentaires – lignes droites, lignes sinueuses, cercles, méandres chevrons – utilisées selon les principes d’ordre et d’harmonie typiques de l’esthétique grecque. Le style géométrique devient vecteur de transmission du poème épique, et vice versa. Ainsi Homère, dans ses œuvres les plus célèbres, décrit minutieusement les motifs sur les objets des humains, des dieux et des demi-dieux. Poésie et art figuratif se mêlent alors dans un récit révélant l’éternelle cyclicité du cosmo.
Aujourd’hui, ces principes rejoignent l’art de Ioannis Lassithiotakis.
Le lien est révélé par les œuvres présentées à la Galerie marie-robin lors de la première exposition personnelle de l’artiste en France: RELATION / SHAPES.
En effet, dans sa pratique, Ioannis Lassithiotakis utilise des motifs géométriques simples et répétés.
Un langage épuré fait de lignes, de formes régulières et de grands aplats monochromatiques qui, à première vue, semblent nus, statiques. Pourtant, sous une observation plus profonde la peinture dévoile son mouvement/élan interne, sa force génératrice ou destructrice.
Comme les anciens avec l’art géométrique, Ioannis Lassithiotakis traduit la complexité de l’expérience humaine en quelques traits pour la rendre lisible à tous. Une « abstraction universelle » qui évolue dans l’exposition RELATION/SHAPES en « abstraction relationnelle ».
Car, il s’agit ici de RELATIONS au niveau du pictural et de l’interprétation.
Sur le plan du pictural, chaque élément joue son rôle dans la hiérarchie du tableau, connecté ou déconnecté avec les autres « sujets ». Ces créations expriment toujours une tension parmi l’ordre et l’évasion, l’image et les marges physiques. Une ligne interrompue ouvre le bloc et le blanc envahi les bords inférieurs du cadre incorporant ses limites.
De l’autre côté, les titres des œuvres stimulent toute interprétation selon la perception personnelle. Une ligne verticale se fait blessure, la ligne horizontale délimite et établit, un seule bande ébrèche la surface invitant l’œil à découvrir l’au-delà de la peinture. Ces lignes dirigent les plans chromatiques en suivant le flux émotionnel vers des rencontres et des séparations.
Plus précisément, dans For what he left, une “fenêtre” blanche jaillit sur une surface d’un jaune indiscret. Solution à la douleur de l’abandon ou raison de la séparation ? Ou encore, Open your heart, nous présente un rectangle rouge perturbé par un trait noir qui tente d’en forcer la limite. Boîtes fermées, lignes interrompues, périmètres incomplets font de chaque composition une conversation suspendue en attente d’une éventuelle résolution.
Entre simple vision et libre interprétation, les œuvres exposées dans RELATION / SHAPES nous interrogent sur la nature des multiples liens tissés avec nous-mêmes et avec l’autre. Peut-être qu’en codifiant ces relations comme Ioannis Lassithiotakis le fait avec ses formes, nous pourrions un jour saisir leur vrai sens.
Anna Donà