15/5 – 27/9 2025
Galerie Le Minotaure | Paris | France
L’exposition consacrée à László Moholy-Nagy (1895–1946), organisée en collaboration avec Annely Juda Fine Art (Londres) et la Moholy-Nagy Foundation, met en lumière l’œuvre d’un artiste pionnier dont la pratique, profondément expérimentale, a redéfini les rapports entre art, technologie et perception. Divisée en deux sections principales, elle retrace les étapes décisives de son parcours : les années de formation et de production à Berlin (1920–1923 ; 1928–1933), puis la période américaine, centrée sur son activité à Chicago entre 1937 et 1946.
Moholy-Nagy est l’une des figures majeures de l’avant-garde européenne du XXe siècle, à la croisée du constructivisme, du Bauhaus et de l’innovation pédagogique. Artiste total, il s’est illustré par une œuvre transversale — photographie, peinture, graphisme, sculpture, design, cinéma expérimental — mais aussi par une pensée visionnaire qui liait intimement création et transformation sociale. Loin d’un cloisonnement disciplinaire, il militait pour un art capable de refléter les mutations du monde moderne, en s’appropriant les matériaux, les outils et les imaginaires de son époque.
La première partie de l’exposition explore l’effervescence créatrice du Berlin de l’entre-deux-guerres. Moholy-Nagy y développe ses premières recherches autour de la lumière, du mouvement et de la transparence. Ses photogrammes — réalisés sans appareil photographique, par simple exposition directe à la lumière — en sont un exemple emblématique : des images abstraites qui rompent avec toute intention figurative pour proposer une expérience purement optique. Simultanément, ses peintures et collages intègrent des éléments typographiques, des formes géométriques et des matériaux non conventionnels, dans une logique de déconstruction des médiums traditionnels et de fusion entre art et technologie.
L’exposition met également en valeur sa production graphique, sa contribution théorique au Bauhaus — où il enseigna aux côtés de Walter Gropius — et ses échanges avec d’autres figures du constructivisme européen et soviétique. Le visiteur découvre ainsi un langage visuel rigoureux, mais jamais figé, nourri d’une volonté de renouvellement constant.
La seconde section s’attarde sur les années américaines, marquées par l’exil et la fondation du New Bauhaus à Chicago, puis de l’Institute of Design. Ces institutions incarnent sa vision d’une éducation artistique tournée vers l’avenir, articulant pensée critique, culture technique et perception sensorielle. Dans ce contexte, Moholy-Nagy continue d’explorer les possibilités des matériaux industriels, notamment le plexiglas, le métal et la lumière artificielle, donnant naissance à des œuvres qui brouillent les frontières entre sculpture, installation et dispositif optique.
L’un des points culminants de cette période est sans doute le Light-Space Modulator, dispositif cinétique emblématique de son désir de rendre la lumière « tangible ». Plus qu’un objet, il s’agit d’un environnement perceptif, d’une machine à voir — voire à penser — qui anticipe des notions aujourd’hui centrales dans les pratiques immersives et interactives contemporaines.
À travers ce parcours, l’exposition insiste sur la dimension profondément utopique de sa démarche. Loin d’un formalisme abstrait, Moholy-Nagy concevait l’art comme un levier de transformation sensorielle et sociale. Sa conception de l’artiste comme “designeur de vie” résonne encore aujourd’hui, dans un monde où les interactions entre art, science, écologie et pédagogie sont plus que jamais au cœur des débats.
Par son approche transdisciplinaire, sa foi dans la modernité comme moteur de progrès humain et son attention constante à l’expérience du regard, Moholy-Nagy demeure un artiste fondamentalement contemporain. Cette exposition ne se limite pas à une relecture historique : elle réactive une pensée vivante, en perpétuel devenir, et invite à repenser le rôle de l’art dans la construction du futur.